Automobile français : des appels à la relocalisation

Marché 4 Aug 2020

UNE FILIÈRE SOUS TENSION

 

Même si la filière automobile française souffre d’un contexte mouvant, lié à la récession, au changement climatique, aux guerres commerciales, ou à la pandémie de covid-19, elle fut aussi durement fragilisée par des pertes de compétitivité successives. En 2017, l’industrie automobile, employait 210 000 salariés (INSEE) et réalisait environ 16% des revenus de l’industrie manufacturière. Mais ces chiffres sont à remettre en perspective, puisqu’entre 2000 et 2018, le nombre d’emplois en France dans cette filière a diminué de près de 30%. Les fermetures d’usines, la baisse des emplois et la diminution de la production permettent de mieux comprendre pourquoi la France occupe la 5ème place du podium en Europe, alors qu’elle caracolait en 2011, à la deuxième place. Si la filière française a perdu de sa superbe, c’est aussi parce que les phénomènes de délocalisations se sont accentués depuis les années 2000, là où ils étaient plus discrets en Allemagne, aux Etats-Unis ou encore au Royaume-Uni. A titre d’exemple, Renault est un des constructeurs automobiles français qui a le plus délocalisé, et figure par ailleurs parmi les 5 premières marques qui délocalise le plus au monde. Alors comment faire pour redoper cette industrie et relocaliser certains sites de production ? Car c’est bien de cela dont il s’agit, alors que le gouvernement français est à l’aune de dévoiler un plan de relance économique, dont l’une des clés serait le bastion automobile. Lors de la première réunion du Comité d’orientation pour la recherche automobile et la mobilité (Coram), Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance avait plaidé en faveur d’une "reconquête industrielle" de l’automobile. "Il y aura plus de transformations dans l’industrie automobile dans les dix années qui viennent qu’il n’y en a eu au cours des cinquante dernières années", c’est en ces termes que Bruno Le Maire avait évoqué l’impérieuse nécessité de repenser un secteur qui décroche.

 

LES RECOMMANDATIONS DU CONSEIL D'ANALYSE ECONOMIQUE
 

La crise du covid-19 pourrait inciter certains constructeurs automobiles à reconsidérer sérieusement des relocalisations. Même si ce transfert vers la France se fera sans doute partiellement et progressivement, il devrait pouvoir se retrouver facilité par la prise de mesures concrètes. Aussi le Conseil d’analyse économique a émis des préconisations pour soutenir le secteur dans ce sens.

 

Les économistes exposent que la réduction des taxes de la production – aujourd’hui particulièrement importantes en France – pourraient être une incitation à la relocalisation. Ces taxes de production qui impactent avant tout les entreprises sur leur chiffres d’affaires, leur valeur-ajoutée ou leur foncier, représentent 0,5% de la valeur-ajoutée en Allemagne, contre 3,6% en France, un seuil considéré comme le niveau le plus élevé d’Europe. Aussi, cette préconisation pourrait se transformer en mesure crédible compte tenu du discours de Bruno Le Maire, qui défend bec et ongles une baisse des impôts de production. Cependant, d’après les experts du Conseil d’analyse économique, même si cette baisse peut favoriser une hausse de la productivité, elle ne serait néanmoins pas suffisante pour relocaliser totalement la production.

 

Autre recommandation de ce rapport, la robotisation serait une des pistes qui contribuerait à réduire les coûts et augmenter la productivité. Contrairement à certains pays européens, à l’instar de l’Allemagne ou de l’Italie, où le nombre de robots par véhicule produit, a permis d’améliorer la productivité, la France accuse un certain retard. Aussi l’ensemble des politiques publiques, et plus particulièrement fiscales, devraient encourager la robotisation, qui viendrait également créer de nouveaux emplois. 

 

Enfin, le rapport du CAE encourage vivement la relocalisation dans les clusters historiques de l’industrie automobile, notamment dans le nord et l’est de la France. Ceci permettrait ainsi de faciliter la coordination entre les producteurs automobiles sur les différents pôles, notamment sur des sujets tels que la formation ou la technologie.

 

Aujourd’hui, l’industrie automobile française est confrontée à des défis multiples. L’enjeu capital de ces prochaines années afin de redresser la compétitivité de cette industrie demeure donc l’amélioration progressive de sa compétitivité, qui passe par la réduction des coûts de production et la redynamisation des pôles de production dans le nord et l’est de la France, tout en accompagnant l’automatisation progressive du secteur. Reste à savoir si ces préconisations seront suivies d’effets, puisque des réserves ont été formellement émises par le Haut Conseil pour le Climat, dans son rapport annuel pour la neutralité carbone 2020, intitulé « Redresser le cap, relancer la transition ». En effet, ce rapport se veut assez critique sur le plan de relance de la filière automobile dont l'essence même ne serait pas compatible avec les objectifs climatiques que la France s’est fixés. 

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